vendredi 11 mars 2011

Rencontre avec une femme remarquable

Annick de Souzenelle

Rencontre avec une femme remarquable

On parle plus volontiers - allez savoir pourquoi ! - des grands maîtres spirituels et des hommes de foi, que des femmes qui ont fait l’expérience du chemin intérieur. Certaines, pourtant, ont beaucoup à dire, et le disent avec cette ferveur humaine, cette faculté de contagIon lumineuse qui est la marque des êtres porteurs d’un Sens. Annick de Souzenelle est au nombre de ces femmes remarquables et Nouvelles Clés, depuis longtemps, l’avait remarquée.

En refusant de chercher dans la foi qui l’anime une Réponse en kit, un système de certitudes toutes faites, construites en prêt-à-penser, qui rendrait compte de tout et de son contraire y compris de l’absurde, Annick de Souzenelle n’a pas choisi la voie de la facilité, mais celle du travail. Du travail intérieur, qui investit tout l’être, corps et âme, coeur et conscience. Ceux et celles - de plus en plus nombreux - qui suivent son enseignement, centré à la fois sur le message évangélique, la kabbale hébraïque, et la psychologie des profondeurs, ceux-là ont certes du pain sur la planche ! Mais il s’agit, à n’en pas douter, d’un pain nourrissant. A les voir et à les entendre, il alimente leur quotidien, en projetant sur chaque élément de la vie la lumière d’un Sens qu’avec l’aide de l’ex-infirmière devenue. psychothérapeute, ils auront su deviner et entrevoir.

Si Annick de Souzenelle fait partie de ces êtres au verbe généreux capables de vous concerner, vous étonner, voire de vous bouleverser quand ils vous parlent de ce qui les passionne, elle devient beaucoup moins prolixe lorsqu’il s’agit de parIer d’elle, et ne s’attarde jamais sur sa propre personne. Mais... c’était justement ce qui nous intriguait ! Comment passe-t-on des études de mathématiques supérieures au soin des malades, du catholicisme le plus conformiste - celui d’avant la guerre - à l’orthodoxie, de la kabbale hébraïque au symbolisme du corps humain ? Comment, surtout, peut-on retrouver une unité au milieu de ces multiples expériences ? La réponse réside dans un itinéraire hors du commun, fait de multiples ruptures et d’une unique fidélité.

Nouvelles Clés : Annick De Souzenelle, jusqu’où faudrait-il remonter pour prouver l’origine de votre vocation ? J’entends par là non pas le moment où vous vous êtes consciemment sentie appelée par ce - ou Celui - qui guide votre vie aujourd’hui. Mais plutôt le point de rupture à partir duquel votre itinéraire devait, que vous le vouliez ou non, s’écarter des sentiers battus ? Souvent, ce point de départ se situe dans l’enfance...

Annick De Souzenelle : S’il faut vraiment remonter à l’origine première, je vous dirais que mon premier souvenir précis date du berceau ! J’ai encore dans les yeux l’alternance très forte d’ombre et de lumière que j’ai ressentie un jour où le soleil était parfois entièrement caché par les nuages, parfois resplendissant. J’interprète aujourd’hui cette impression d’enfance, toujours gravée dans ma mémoire, comme une sorte de feu vert qui m’était donné, pour comprendre un jour que j’avais à marier en moi-même la Lumière et les Ténèbres. Tel est d’ailleurs le sens de tout mon travail depuis des années. En dehors de ce souvenir toujours présent, il faut dire que très vite j’ai été marquée par l’absurdité de la vie, ou plutôt de l’existence des "grandes personnes" qui m’entouraient, existence qui normalement m’était aussi destinée. Mon père revenait de la Grande Guerre de 14-18, profondément blessé dans son corps et dans son âme. Avocat à Rennes, il recevait souvent des amis qui, eux aussi, avaient vécu cet enfer.

Toute petite, j’étais littéralement atterrée de voir qu’au cours de ces dîners, mes aînés ne commençaient à "vivre" que lorsqu’ils reconstituaient l’atmosphère de ces années terrifiantes. Avec tout le respect que j’éprouve pour le dépassement dont s’est montrée capable cette génération sacrifiée, je ne peux m’empêcher d’appliquer à ces hommes la phrase terrible que j’ai lue plus tard dans un livre de Jean Schlumberger : "Ce sont des personnes qui sont comme des feuilles mortes : il faut qu’un grand vent passe pour qu’elles aient l’illusion de vivre."

N. C. : Les femmes elles étaient absentes de toute cette vie sociale...

A. D. S. : On ne peut s’imaginer à quel point leur vie était, dans cette petite bourgeoisie de province, d’une banalité effarante ! Là où je trouvais la vie, c’était chez ma nourrice. Elle était le seul élément "sans culture" dans mon entourage et possédait donc seulement, mais pleinement, toute la culture de son coeur. Alors que je pouvais à peine toucher ma mère - cela "ne se faisait pas" , elle m’a donné la relation tactile, la proximité humaine, la chaleur animale qui a fait tout l’équilibre de mon enfance. Mais cet équilibre s’est trouvé rompu à l’âge de cinq ans lorsqu’après l’éclatement de la famille, je me suis retrouvée seule chez les bonnes soeurs, à Paris, sans aucune référence ni géographique, ni affective. Là, voyez-vous, je suis réellement descendue aux Enfers. Les religieuses n’y comprenaient rien, elles me grondaient parce qu’elles me trouvaient taciturne. Ce fut une période terrible. Je crois qu’aujourd’hui, lorsque je parle d’une nécessaire "descente aux Enfers", je sais ce que je dis : j’ai vu ses monstres !

N. C. : Qu’est-ce qui vous en a ait remonter ?

A. D. S. : Ce qui m’a sauvée, c’est ce goût du divin qui m’a été donné dès le départ. Je me souviens précisément avoir dit - à l’âge de cinq ans ! - : "On ne peut compter que sur le Père Divin." Depuis, toute ma vie a été fondée sur cette certitude. Avec tout l’aspect lumineux de cette force qui m’a guidée... mais aussi avec toutes les difficultés que cette phrase implique : le manque d’abandon à l’autre, l’absence de confiance qui est une souffrance profondément inscrite dans ma chair, et dont il a bien fallu que j’apprenne à me libérer.

N. C. : Le Père Divin, pour vous à cette époque, était compris au sens du catéchisme ?

A. D. S. : Vous savez, un enfant prend ces choses-Ià au premier degré, mais c’est justement celui-là qui est essentiel ! La foi a toujours été pour moi une réalité plus tangible que cette table qui se trouve entre vous et moi. Et elle ne m’a jamais quittée. L’absurde dont je vous parle, je l’ai toujours imputé aux hommes, parce que je refusais le Dieu qui fait la pluie et le beau temps dans nos vies. Les hommes jouaient à se faire mal, jouaient avec le Mal, mais la miséricorde divine n’était pas impliquée dans cette tragédie de l’humanité. Les adultes, autour de moi, tenaient chacun un rôle au lieu de prendre en main leur destinée. Et de cela, ils étaient seuls responsables. Cela dit, si la foi m’a toujours accompagnée, j’ai vite pris conscience que l’Eglise romaine nous enseignait un système qui ne "faisait pas le poids", face à l’élan mystique que je vivais. Vers 16-18 ans, je me suis révoltée contre le moralisme insupportable de cette époque, qui nous maintenait dans un état de dépendance, comme si nous devions toujours rester mineurs. Lorsque je demandais, par exemple, pourquoi le serpent avait mordu notre mère Eve au talon, pourquoi Jacob fut blessé par l’ange à la hanche, pourquoi le Christ avait lavé précisément les pieds des disciples pour signifier la purification de l’Homme, on me répondait soit par des inepties, soit en me traitant de petite orgueilleuse. Et moi, je voulais savoir ! Aujourd’hui, je crois comprendre ce que voulaient dire nos Pères lorsqu’ils parlaient du "devoir ’inconnaissance", mais cela se situe à un tout autre niveau que ce moralisme que l’on opposait alors à mes questions, et qui humiliait l’homme.

N. C. : Face à cette mentalité qui, comme disait Simone Weil, "baillonne l’intelligence", je suppose que vos études de mathématiques vous ont aidée à répondre à votre désir quasi-mystique de connaître ? Ces énigmes qui se résolvent dans la découverte d’une Structure interne au monde, cela devait beaucoup vous attirer ?

A. D. S. : A vrai dire, j’ai surtout abordé ces études par mimétisme envers ma mère, qui elle-même avait été une des premières femmes bachelières, avant la Première Guerre. Mais j’ai été tout de suite passionnée par les problèmes de géométrie, de trigonométrie et ces recherches rationnelles ont effectivement contribué à me structurer intérieurement. Seulement, au niveau des mathématiques supérieures, on risque vite de s’enfermer dans un monde abstrait et terriblement stérilisant. C’est pourquoi, au bout de quelques I’années, j’ai tout lâché d’un coup ! Ce fut un renversement total qui me fit passer du plus abstrait au plus concret, c’est-à-dire aux études d’infirmière. Après avoir évolué dans un monde uniquement mental, j’avais besoin, voyez-vous, de toucher de l’humain, de toucher les malades, de les aimer.

N. C. : C’est ainsi que vous êtes devenue infirmière anesthésiste, "pour endormir", dites-vous, bien avant d’être psychothérapeute "pour réveiller"...

A. D. S. : Mon instinct m’avait guidée vers cette situation où l’on est sans cesse confronté à la question du Sens, à travers la souffrance des autres. Ces quinze années furent une expérience à la fois merveilleuse et douloureuse. Car il est douloureux de ne pas savoir répondre aux questions angoissées des malades, que la souffrance taraude dans leur corps et dans leur esprit. Pour­quoi est-ce que ça m’arrive, Madame ? Pourquoi cet ulcère à l’estomac ? Pourquoi, pourquoi... ? Je jouais à mon tour le rôle d"’aîné", ou tout au moins de celui qui est censé savoir. Et je ne savais pas !

N. C. : Ayant rompu avec l’Eglise catholique vous aviez envoyé prome­ner toute religion ?

A. D. S. : Complètement. Ma foi ne pouvait s’exprimer dans aucune pratique, et j’avais même désappris la prière. Je sentais que j’avais été trompée sur ce plan-là, et les formes ne m’intéressaient plus. Seul le concret importait : "Je vais vivre pleinement ! se dit-on à cet âge. Ça, au moins, c’est concret". ­ Il m’aurait fallu une secousse énorme pour faire à nouveau l’expérience de la prière. Eh bien... cette secousse a eut lieu ! Et elle a eu lieu au Maroc, où j’ai exercé durant cinq ans. Un dimanche après-midi, je me trouvais seule de garde, au chevet d’une jeune marocaine. Après avoir subi une opération pourtant bénigne, elle fit tout à coup une embolie vertigineuse, qui allait lui être fatale dans l’heure même. Tout acte médical m’étant interdit, et en l’absence de médecin, je ne pouvais rien faire d’autre que voir mourir cette femme. Or, de l’autre côté du lit sa mère était là, d’un calme absolu, et priant. J’ai compris alors que je n’avais qu’à en faire autant, que c’était la seule chose qui me restait à donner. Et lorsque le chirurgien est arrivé plus tard et a demandé ce qui s’était passé, je n’ai pu que lui répondre : "Rien, Monsieur." Ce jour-là, en quelques minutes, j’ai réappris la puissance de la prière, et la vie spirituelle.

N. C. : Mais comment pouvaient-elles s’exprimer, éloignée que vous étiez de toute institution ?

A. D. S. : Justement, je ne le savais pas ! J’ai alors quitté le Maroc, où je ne pouvais rester indéfiniment prisonnière entre d’une part un monde du colonialisme à la mentalité insupportable, sauf exceptions, et d’autre part un monde arabe où il n’y avait pas place pour une femme seule, et dont malheureusement j’avais fait l’erreur de ne pas apprendre la langue. Mais même revenue en France, j’étais en perpétuelle révolte contre la normalisation de l’absurdité, je veux dire contre le fait de régulariser, de légitimer la médiocrité, de faire comme si c’était la norme. Je ne pouvais supporter l’anecdote et la futilité des ambiances de groupes, la démission devant la banalité. Autour de moi, la plupart des gens baissaient les bras devant ce non-sens, ou pire, ne se posaient même pas la question ! Je m’investissais alors toute entière dans mon travail, dans la relation aux malades. Ce sont eux qui m’ont tout appris, je le sais maintenant. Et puis j’ai décidé d’aller rejoindre en Inde un cousin germain de ma mère, qui après avoir fait Polytechnique, était allé rejoindre Sri Aurobindo. Son nom était Pa Vitra, il avait fondé là-bas l’Université de l’ashram de Pondicherry. Il était, bien sûr, la honte de la famille, le renégat, mais lorsque j’ai lu certaines des plaquettes et des lettres qu’il nous envoyait, Je me suis écriée : "C’est le seul homme intelligent de la famille !"

N. C. : Vous vous apprêtiez donc, sans formation aucune, à rejoindre cet homme que vous ne connaissiez pas, et à rompre avec vos origines. Le christianisme était-il donc sans avenir pour vous ?

A. D. S. : Sans avenir, malgré la merveille qu’il avait pu représenter dans le passé. Certes, la rupture avec le Christ aurait été douloureuse. Mais là-bas, au moins, il y avait une mystique, et J’étais sure que cette mystique m’attendait. Je n’étais retenue que parce que j’avais en charge ma vieille nounou, que je ne pouvais en aucun cas abandonner. Mais ma décision était prise : dès qu’elle n’est ne serait plus de ce monde, je partirais. En attendant, je me répétais en moi-même, continuellement, comme un mantra : " Annick, patience absolue, patience absolue..." C’était une façon pour moi d’appeler la vie, car j’étais certaine que si la vie avait un sens, ce sens impliquait qu’un jour elle me le révèle. J’étais trop amoureuse de ce sens pour qu’il ne me réponde pas. Alors, "patience absolue...", ça allait venir.

N. C. : Et c’est venu, mais pas du tout de la manière dont vous l’imaginiez, puisque votre voie n’a pas été celle de l’exil, et qu’en guise de "pèlerinage aux sources", vous êtes retournée directement aux sources chrétiennes sans passer par le détour de l’Orient. Qu’est-ce qui vous a fait abandonner ce projet de grand départ ? Une lente prise de conscience de vos racines spirituelles, ou une de ces ruptures impulsives qui ont marqué votre jeunesse ?

A. D. S. : Un choc, une expérience extrêmement troublante, qui m’a amenée à rencontrer celui qui devait devenir par la suite mon maître spirituel, le père Eugraf Kovalevski. Si je vous raconte maintenant le détail de cet événement, ce n’est pas par goût du spectaculaire, mais pour vous faire comprendre à quel point il fut pour moi l’étincelle qui provoqua un bouleversement majeur. Cela eu lieu en 1958, deux ans, donc, avant que cette merveilleuse femme que fut ma nourrice ne quitte ce monde. J’étais partie me reposer quelques jours à Eze, petit village du Midi dont on m’a dit plus tard, et cela me remplit de joie, que l’origine du nom était probablement la Vie, Zoé. Il y avait là de nombreuses galeries de peinture que je prenais grand plaisir à visiter, car j’apprécie beaucoup l’art pictural. Un jour, je passe devant l’une de ces galeries sans m’arrêter, guidée par le désir d’entrer dans la petite église du village, pour voir s’il n’y a pas là quelque chose qui me parlera.

N. C. : ... et c’est là, allez-vous me dire, que vous rencontrez non pas quelque chose, mais Quelqu’un...

A. D. S. : Pas du tout ! Le signe qui me fut donné ce jour-là est autrement plus inattendu.

Sur le chemin de l’église, j’entends non pas des voix, mais une voix intérieure, une certitude absolue qui me dit qu’en n’entrant pas dans cette galerie, je passe à côté de ma vie. Revenue en arrière, j’entre et trouve là deux femmes en train de parler. Mais comme elles n’en finissent pas, je ne peux engager la conversation, je crois m’être leurrée, et sors après avoir jeté un coup d’oeil aux tableaux. C’est alors, exactement au point précis où je m’étais arrêtée la première fois, que l’une de ces dames, celle qui semble être la responsable de l’exposition, m’interpelle de loin. Je me retourne et l’entends me crier : "Madame ! Vous n’avez pas tout vu ! Vous avez sûrement oublié de voir l’essentiel !" Je rebrousse donc chemin une seconde fois et là, j’ai un dialogue avec cette femme qui me dit deux choses proprement sidérantes : "Vous, vous connaissez Fred Bérance", me dit-elle de prime abord. Fred Bérance était effectivement un grand ami, écrivain aujourd’hui oublié qui a beaucoup écrit sur le Quattrocento. "On me dit que vous le connaissez", m’affirme-t-elle avec certitude. Et d’ajouter : "Vous, vous devez vous rendre au 96, boulevard Auguste Blanqui. Vous y êtes attendue."

N. C. : Cette adresse est celle du siège de l’Église orthodoxe de France. Cette femme était peut-être orthodoxe ?

A. D. S. : Justement pas, et c’était bien là le paradoxe, car elle ne parlait donc ni par prosélytisme, ni par intuition psychologique, puisqu’elle ne connaissait strictement rien de moi. Mais, me dit-elle longtemps plus tard, elle était "clairaudiante", et percevait parfois des choses comme celle-là, qu’on lui disait de l’intérieur. Une femme admirable, d’ailleurs, qui est partie ensuite en Inde soigner les lépreux.

N. C. : Jamais vacances n’ont dû vous paraître aussi longues !

A. D. S. : Jamais ! Revenue à Paris, mon premier geste fut bien sûr de me rendre à ladite adresse. L’église orthodoxe qui s’y trouvait n’avait, a cette époque du moins, vraiment rien de séduisant. Toute noire, quasiment déserte ce jour-Ià, elle ne prêtait pas à émerveillement, et Je ne peux pas dire que j’ai été conquise par une beauté enchanteresse, ni par l’atmosphère d’une liturgie ou la pureté célèbre des chants orthodoxes... Mais il s’est passé quelque chose en moi, tout a basculé en quelques heures de silence, et lorsqu’à la fin Un prêtre est venu me voir pour me demander : " Madame, vous cherchez quelque chose ?", je m’entends encore lui répondre : "Moi ? Non, plus rien. Je sais que c’est ici ?"

N. C. : Voilà ce qu’on appelle une conversion exemplaire...

A. D. S. : Pas exactement. D’abord parce que, comme je vous l’ai dit, la foi ne m’avait jamais quittée. Catholicisme romain et orthodoxe ont la même source, ne l’oublions pas. Et puis, malgré ma réponse, il est évident que je ne me sentais pas "arrivée" au sens complaisant et satisfait du terme, et que je commençais tout juste, au contraire, à "chercher". Mais il est vrai que tout a changé, que tout s’est éclairé pour moi dans cette église, où j’ai rencontré celui que l’on appelait "le petit père", le père Kovalevski, qui devint plus tard l’évêque Jean de Saint-Denis.

N. C. : N’aviez-vous pas peur en suivant ces prêtres d’origine russe, exilés pour beaucoup après la Révolution, de vous couper de vos racines occidentales, de sacrifier à l’exotisme et de vous russifier en quelque sorte ?

A. D. S. : Dans l’orthodoxie, le fidèle est nourri à la Tradition des Pères, ces grands maîtres qui furent fondateurs aussi bien pour l’Occident que pour l’Orient. De plus, il n’y a pas d’autorité extérieure et centralisée, qui porterait à elle seule le poids de la vérité. La différence entre laïcs, patriarches et évêques ne correspond qu’à une échelle de fonctions, non à une hiérarchie en soi. On peut bien sûr se choisir un maître spirituel, mais aucun moralisme, aucune aliénation de votre nature propre ne vous sont imposés. A chacun de jouer, nourri par la Parole, responsable de lui-même, pour devenir la totalité de lui-même. L’accent est toujours mis sur l’essentiel, à savoir la rencontre amoureuse avec Dieu, les Noces divines. Quelle différence avec ce que j’avais vécu auparavant !

N. C. : Mais tout de même ces gens que vous côtoyiez étaient russes, avaient leur propre liturgie, leurs rites, leur langue, leur nostalgie de la mère-patrie...

A. D. S. : C’est un fait, et je crois que beaucoup de ceux qui ont été attirés par l’orthodoxie ont plus ou moins succombé à ce danger de "russification" dont vous parliez. Mais, précisément, l’évêque Jean avait pris conscience de ce risque. Il avait donc entrepris l’énorme tâche de reconstituer, puis de ressusciter l’ancienne Liturgie des Gaules, celle que nos peuples pratiquaient aux premiers siècles, et jusqu’à Charlemagne. C’est en effet Charlemagne qui, dans un esprit quasi-totalitaire, a mis en œuvre ce travail de sape qui consistait à couper les peuples de leurs traditions pour imposer partout la liturgie romaine. Liturgie bien plus pauvre, où il n’y avait plus d’invocation à l’Esprit Saint, plus la magie des symboles, et où tout ce qu’on appelait autrefois la "pneumatologie" a peu à peu disparu.

Pour retrouver les véritables sources de nos Pères, l’évêque Jean et ses amis sont donc allés chercher dans d’innombrables monastères, surtout bénédictins comme à Autun, à l’évêché de Fréjus, etc. Vous savez, il existe des bibliothèques qui sont des trésors et que nous ignorons.

N. C. : Mais qui donc était ce prêtre russe capable de comprendre que, puisque le culte orthodoxe est toujours adapté à chaque nation il allait restituer aux gens d’ici leurs racines ?

A. D. S. : Une flamme ! Cet homme était une flamme ! Il dansait littéralement la liturgie.

Avec lui, on n’en restait jamais au niveau de la sentimentalité, à quoi les croyants réduisent le plus souvent leur religion. On entrait directement dans l’ontologie, c’est-à-dire dans le mystère de la nature de l’homme, et de sa capacité à épouser le divin qui l’habite. Il a été mon maître, mais il y eut entre nous, non pas un transfert psychologique, plutôt ce que j’appellerais un transfert spirituel. D’ailleurs, s’il n’avait fait passer son œuvre de "retour aux sources" avant sa personne, l’église qu’il a fondée se serait vite écroulée après son décès en 1970, ce qui n’a pas été le cas. Aux côtés du "petit père", j’ai découvert toute la valeur du chant : le chœur, c’est la vibration essentielle de l’homme, dans laquelle il peut pressentir qu’il est appelé à parler la langue divine, à devenir Verbe lui-même. J’ai aussi pénétré dans le monde des Icônes. Quelle joie pour moi qui aimait tant la peinture ! Mais l’Icône, c’est encore autre chose que l’esthétique picturale : ce n’est plus l’homme qui se projette dans l’image, c’est le monde divin qui à travers et à partir de l’image, vient vers nous. Enfin, j’ai rencontré aussi auprès de l’évêque Jean celui qui devait devenir mon époux.

N. C. : Et c’est toujours, je crois, avec votre époux que vous avez suivi l’enseignement de ce curieux personnage que fut le kabbaliste Emmanuel Levygne ?

A. D. S. : Oui, mon mari avait retrouvé "par hasard" au fond d’un tiroir une plaquette de cet homme dont nous ne savions rien. Or, depuis longtemps je me disais que le Judaïsme et la langue hébraïque ne pouvaient qu’être extrêmement importants pour le christianisme. L’Histoire Sainte que l’on m’avait apprise était coupée de toute connaissance sérieuse, et même de tout contact avec le monde juif. Comme chrétienne, je me sentais privée de ces sources essentielles. Nous sommes donc allés rendre visite à ce kabbaliste, dans l’appartement très pauvre qu’il habitait en banlieue Sud. Après quelques heures de dialogue, il en est arrivé à nous dire : "Voyez, je suis là avec des frères juifs qui croient connaître leur langue, mais qui en fait ne parlent pas hébreu. Avec vous, qui ne connaissez pas notre langue, je viens de parler hébreu." Dès lors, nous avons suivi l’enseignement qu’il dispensait à quelques personnes, au fond d’un bistrot crasseux du quartier République. Et chaque semaine, j’avais vraiment l’impression que lui et le "petit père" s’étaient donné le mot : ils parlaient le même langage, chacun dans son engagement propre. Depuis ce temps, hébreu et théologie n’ont plus fait qu’un pour moi, car j’ai le sentiment d’avoir été nourrie aux deux mamelles de la même mère : le judéo-christianisme.

N. C. : Aujourd’hui, ce n’est pas seulement sur ce cou le que vous fondez votre enseignement mais sur la trilogie : anthropologie, hébreu et théologie. Comment en êtes-vous arrivée aux sciences humaines ?

A. D. S. : Lorsque je n’ai plus pu continuer à collaborer avec le monde médical. J’ai exercé encore en hôpitaux jusqu’au milieu des années 60. Mais petit à petit, j’ai pu nommer ce qu auparavant Je ne savais nommer. Et à partir de ce moment, l’incompatibilité avec ce monde hospitalier, où l’homme et la maladie sont tellement chosifiées, m’est apparue comme radicale. Je me suis alors penchée sur tout ce que les sciences humaines pouvaient nous apprendre sur l’homme, son histoire, son corps, sa psyché... J’avais été très sensible au cri d’alarme de C.G. Jung, disant : "L’Occident a perdu ses mythes, et l’Occident est en train de mourir !" Mais pour moi les mythes étaient là, bien vivants, seulement on ne savait plus les lire. Je devais donc réapprendre, pour moi-même et pour le transmettre, à lire les mythes. Le jour où m’est venue l’intuition fondamentale de ma recherche, à savoir l’analogie profonde, la correspondance ontologique, corroborée par tous les mythes de notre Tradition, entre le schéma du corps humain et l’Arbre de Vie des kabbalistes, ce jour-là le travail pouvait commencer. Il a donné naissance à ce livre et d’ailleurs il dure toujours.

N. C. : Pour assimiler cette intuition il faut peut-être redéfinir le sens du mot corps. On ne peut qu’être insensible à votre démarche si l’on en reste au corps-objet, dont chaque organe n’est que matière, insignifiant en lui-même réduit à sa onction immédiate au lieu d’être pris comme symbole d’une onction essentielle de l’homme, appelé à s’élever. Mais n’est-ce pas précisément le judéo-christianisme qui nous a enfermés dans cette dichotomie corps-âme qui dévalorise tout l’homme ?

A. D. S. : Je crois qu’effectivement c’est là la grande faute, je ne dirais pas du christianisme - relisons l’Evangile ou certains Pères du Désert pour nous en convaincre - mais des chrétiens. Nous sommes, surtout depuis Saint Augustin, plus ou moins héritiers d’une forme de manichéisme, et les chrétiens ont toujours été sujets à des accès de dualisme, dualisme qui a été rationnalisé et systématisé avec la scholastique. Et pourtant, à l’origine, dans le judaïsme, le corps n’est pas la chair. Il est basar, le joyau de l’homme, toute sa force "érotique" qui, comme la montée de sève dans l’arbre, le pousse, l’élève vers son devenir-dieu. Le corps est l’entité qui nous ramène à notre vocation première : devenir Homme, ce que nous ne sommes pas encore, pour ensuite reliés au Souffle divin et dans un travail incessant, devenir Dieu. Rien à voir avec la chair qui est le corps déchu, réduit à l’extrême, rabattu à l’horizontale. Lorsque j’ai commencé à sentir les clefs, à toucher dans les textes sacrés et dans les mythes les points "où ça clignote", comme disent les Hébreux, alors chaque organe m’est apparu comme porteur d’un Sens.

N. C. : Car la langue hébraïque, dans sa syntaxe, dans son étymologie, et jusque dans la composition de ses lettres, nous parle précisément, dites-vous, de la structure de l’homme et de son corps ?

A. D. S. : Elle contient tout ce que peuvent nous apprendre les sciences humaines !

Parfois même, je me dis que les hommes sont en train de chercher avec une malheureuse petite lampe de poche ce qui nous est donné là dans la lumière d’un phare éblouissant.

N. C. : Et qu’en est-il alors des autres traditions ?

A. D. S. : Les orientaux ont, bien sûr, étudié de façon extrêmement subtile la circulation des énergies en l’homme. Face à leur connaissance, nous sommes sur bien des points de purs ignorants. Mais il y a correspondance en profondeur entre la connaissance oubliée contenue dans notre tradition, et la leur. Quelle n’a pas été ma surprise lorsque le Dr Kespi, président de l’Association française d’acupuncture, m’a téléphoné un jour pour me dire : "Savez-vous, Madame, que vous avez écrit un livre d’acupuncture ?" Sans rien connaître des méridiens, j’avais mis en évidence des relations précises entre, par exemple, le pied, les reins et les oreilles, qui correspondent à ce que les Chinois savent depuis longtemps. Aujourd’hui, je fais la même expérience avec la tradition des Amérindiens... C’est qu’il existe des vérités fondatrices que les hommes se sont toujours transmises, et que nous sommes certainement les premiers à avoir oubliées. Je ne vis que pour redécouvrir et partager ces données de la Tradition universelle.

N. C. : Beaucoup de médecins, de kinésithérapeutes, d’acupuncteurs, travaillent aujourd’hui en intégrant ces données que vous avez rassemblées. C’est peut-être ainsi que vous répondez aux malades auxquels, lorsque vous étiez infirmière vous cherchiez en vain à apporter une réponse ?

A. D. S. : J’avais été trop interpellée par leur souffrance physique et spirituelle pour ne pas avoir un jour à leur répondre. Ou plus précisément, à leur suggérer le commencement d’une recherche, qui donne la possibilité de se responsabiliser, de ne pas aller trouver le médecin comme on irait voir un magicien. De cela, je devais accoucher, j’en étais enceinte. Je n’en fus que le réceptacle, et mon rôle est maintenant de transmettre.

Site : http://souzenelle.free.fr

Voir aussi :

- Vidéo : Les dix plaies de l’âme, entretien avec Annick de Souzenelle

- Audio : L’audace de vivre, entretien avec Annick de Souzenelle (en vente dans notre boutique en ligne).

Propos recueillis par Jean Mouttapa
Entretien paru dans Nouvelles Clefs

mercredi 24 mars 2010

Soyez insatiable. Soyez fou.

« C’est un honneur de me trouver parmi vous aujourd’hui et d’assister à une remise de diplômes dans une des universités les plus prestigieuses du monde. Je n’ai jamais terminé mes études supérieures. A dire vrai, je n’ai même jamais été témoin d’une remise de diplômes dans une université. Je veux vous faire partager aujourd’hui trois expériences qui ont marqué ma carrière. C’est tout. Rien d’extraordinaire. Juste trois expériences.


« Pourquoi j’ai eu raison de laisser tomber l’université »

La première concerne les incidences imprévues. J’ai abandonné mes études au Reed College au bout de six mois, mais j’y suis resté auditeur libre pendant dix-huit mois avant de laisser tomber définitivement. Pourquoi n’ai-je pas poursuivi ?Tout a commencé avant ma naissance. Ma mère biologique était une jeune étudiante célibataire, et elle avait choisi de me confier à des parents adoptifs. Elle tenait à me voir entrer dans une famille de diplômés universitaires, et tout avait été prévu pour que je sois adopté dès ma naissance par un avocat et son épouse. Sauf que, lorsque je fis mon apparition, ils décidèrent au dernier moment qu’ils préféraient avoir une fille. Mes parents, qui étaient sur une liste d’attente, reçurent un coup de téléphone au milieu de la nuit : « Nous avons un petit garçon qui n’était pas prévu. Le voulez-vous ? » Ils répondirent : « Bien sûr. » Ma mère biologique découvrit alors que ma mère adoptive n’avait jamais eu le moindre diplôme universitaire, et que mon père n’avait jamais terminé ses études secondaires. Elle refusa de signer les documents définitifs d’adoption et ne s’y résolut que quelques mois plus tard, quand mes parents lui promirent que j’irais à l’université.Dix-sept ans plus tard, j’entrais donc à l’université. Mais j’avais naïvement choisi un établissement presque aussi cher que Stanford, et toutes les économies de mes parents servirent à payer mes frais de scolarité. Au bout de six mois, je n’en voyais toujours pas la justification. Je n’avais aucune idée de ce que je voulais faire dans la vie et je n’imaginais pas comment l’université pouvait m’aider à trouver ma voie. J’étais là en train de dépenser tout cet argent que mes parents avaient épargné leur vie durant. Je décidai donc de laisser tomber. Une décision plutôt risquée, mais rétrospectivement c’est un des meilleurs choix que j’aie jamais faits. Dès le moment où je renonçais, j’abandonnais les matières obligatoires qui m’ennuyaient pour suivre les cours qui m’intéressaient.Tout n’était pas rose. Je n’avais pas de chambre dans un foyer, je dormais à même le sol chez des amis. Je ramassais des bouteilles de Coca-Cola pour récupérer le dépôt de 5 cents et acheter de quoi manger, et tous les dimanches soir je faisais 10 kilomètres à pied pour traverser la ville et m’offrir un bon repas au temple de Hare Krishna. Un régal. Et ce que je découvris alors, guidé par ma curiosité et mon intuition, se révéla inestimable à l’avenir. Laissez-moi vous donner un exemple : le Reed College dispensait probablement alors le meilleur enseignement de la typographie de tout le pays. Dans le campus, chaque affiche, chaque étiquette sur chaque tiroir était parfaitement calligraphiée. Parce que je n’avais pas à suivre de cours obligatoires, je décidai de m’inscrire en classe de calligraphie. C’est ainsi que j’appris tout ce qui concernait l’empattement des caractères, les espaces entre les différents groupes de lettres, les détails qui font la beauté d’une typographie. C’était un art ancré dans le passé, une subtile esthétique qui échappait à la science. J’étais fasciné.Rien de tout cela n’était censé avoir le moindre effet pratique dans ma vie. Pourtant, dix ans plus tard, alors que nous concevions le premier Macintosh, cet acquis me revint. Et nous l’incorporâmes dans le Mac. Ce fut le premier ordinateur doté d’une typographie élégante. Si je n’avais pas suivi ces cours à l’université, le Mac ne posséderait pas une telle variété de polices de caractères ni ces espacements proportionnels. Et comme Windows s’est borné à copier le Mac, il est probable qu’aucun ordinateur personnel n’en disposerait. Si je n’avais pas laissé tomber mes études à l’université, je n’aurais jamais appris la calligraphie, et les ordinateurs personnels n’auraient peut-être pas cette richesse de caractères. Naturellement, il était impossible de prévoir ces répercussions quand j’étais à l’université. Mais elles me sont apparues évidentes dix ans plus tard.On ne peut prévoir l’incidence qu’auront certains événements dans le futur ; c’est après coup seulement qu’apparaissent les liens. Vous pouvez seulement espérer qu’ils joueront un rôle dans votre avenir. L’essentiel est de croire en quelque chose – votre destin, votre vie, votre karma, peu importe. Cette attitude a toujours marché pour moi, et elle a régi ma vie.


« Pourquoi mon départ forcé d’Apple fut salutaire »

Ma deuxième histoire concerne la passion et l’échec. J’ai eu la chance d’aimer très tôt ce que je faisais. J’avais 20 ans lorsque Woz [Steve Wozniak, le co-fondateur d’Apple N.D.L.R.] et moi avons créé Apple dans le garage de mes parents. Nous avons ensuite travaillé dur et, dix ans plus tard, Apple était une société de plus de 4 000 employés dont le chiffre d’affaires atteignait 2 milliards de dollars. Nous venions de lancer un an plus tôt notre plus belle création, le Macintosh, et je venais d’avoir 30 ans.C’est alors que je fus viré. Comment peut-on vous virer d’une société que vous avez créée ? C’est bien simple, Apple ayant pris de l’importance, nous avons engagé quelqu’un qui me semblait avoir les compétences nécessaires pour diriger l’entreprise à mes côtés et, pendant la première année, tout se passa bien. Puis nos visions ont divergé, et nous nous sommes brouillés. Le conseil d’administration s’est rangé de son côté. C’est ainsi qu’à 30 ans je me suis retrouvé sur le pavé. Viré avec perte et fracas. La raison d’être de ma vie n’existait plus. J’étais en miettes.Je restais plusieurs mois sans savoir quoi faire. J’avais l’impression d’avoir trahi la génération qui m’avait précédé – d’avoir laissé tomber le témoin au moment où on me le passait. C’était un échec public, et je songeais même à fuir la Silicon Valley. Puis j’ai peu à peu compris une chose – j’aimais toujours ce que je faisais. Ce qui m’était arrivé chez Apple n’y changeait rien. J’avais été éconduit, mais j’étais toujours amoureux. J’ai alors décidé de repartir de zéro.Je ne m’en suis pas rendu compte tout de suite, mais mon départ forcé d’Apple fut salutaire. Le poids du succès fit place à la légèreté du débutant, à une vision moins assurée des choses. Une liberté grâce à laquelle je connus l’une des périodes les plus créatives de ma vie.Pendant les cinq années qui suivirent, j’ai créé une société appelée NeXT et une autre appelée Pixar, et je suis tombé amoureux d’une femme exceptionnelle qui est devenue mon épouse. Pixar, qui allait bientôt produire le premier film d’animation en trois dimensions, Toy Story , est aujourd’hui la première entreprise mondiale utilisant cette technique. Par un remarquable concours de circonstances, Apple a acheté NeXT, je suis retourné chez Apple, et la technologie que nous avions développée chez NeXT est aujourd’hui la clé de la renaissance d’Apple. Et Laurene et moi avons fondé une famille merveilleuse.Tout cela ne serait pas arrivé si je n’avais pas été viré d’Apple. La potion fut horriblement amère, mais je suppose que le patient en avait besoin. Parfois, la vie vous flanque un bon coup sur la tête. Ne vous laissez pas abattre. Je suis convaincu que c’est mon amour pour ce que je faisais qui m’a permis de continuer. Il faut savoir découvrir ce que l’on aime et qui l’on aime. Le travail occupe une grande partie de l’existence, et la seule manière d’être pleinement satisfait est d’apprécier ce que l’on fait. Sinon, continuez à chercher. Ne baissez pas les bras. C’est comme en amour, vous saurez quand vous aurez trouvé. Et toute relation réussie s’améliore avec le temps. Alors, continuez à chercher jusqu’à ce que vous trouviez.


« Pourquoi la mort est la meilleure chose de la vie »

Ma troisième histoire concerne la mort. A l’âge de 17 ans, j’ai lu une citation qui disait à peu près ceci : « Si vous vivez chaque jour comme s’il était le dernier, vous finirez un jour par avoir raison. » Elle m’est restée en mémoire et, depuis, pendant les trente-trois années écoulées, je me suis regardé dans la gla-ce le matin en me disant : « Si aujourd’hui était le dernier jour de ma vie, est-ce que j’aimerais faire ce que je vais faire tout à l’heure ? » Et si la réponse est non pendant plusieurs jours à la file, je sais que j’ai besoin de changement.Avoir en tête que je peux mourir bientôt est ce que j’ai découvert de plus efficace pour m’aider à prendre des décisions importantes. Parce que presque tout – tout ce que l’on attend de l’extérieur, nos vanités et nos fiertés, nos peurs de l’échec – s’efface devant la mort, ne laissant que l’essentiel. Se souvenir que la mort viendra un jour est la meilleure façon d’éviter le piège qui consiste à croire que l’on a quelque chose à perdre. On est déjà nu. Il n’y a aucune raison de ne pas suivre son cœur.Il y a un an environ, on découvrait que j’avais un cancer. A 7 heures du matin, le scanner montrait que j’étais atteint d’une tumeur au pancréas. Je ne savais même pas ce qu’était le pancréas. Les médecins m’annoncèrent que c’était un cancer probablement incurable, et que j’en avais au maximum pour six mois. Mon docteur me conseilla de rentrer chez moi et de mettre mes affaires en ordre, ce qui signifie : « Préparez-vous à mourir. » Ce qui signifie dire à ses enfants en quelques mois tout ce que vous pensiez leur dire pendant les dix prochaines années. Ce qui signifie essayer de faciliter les choses pour votre famille. En bref, faire vos adieux.J’ai vécu avec ce diagnostic pendant toute la journée. Plus tard dans la soirée, on m’a fait une biopsie, introduit un endoscope dans le pancréas en passant par l’estomac et l’intestin. J’étais inconscient, mais ma femme, qui était présente, m’a raconté qu’en examinant le prélèvement au microscope, les médecins se sont mis à pleurer, car j’avais une forme très rare de cancer du pancréas, guérissable par la chirurgie. On m’a opéré et je vais bien.Ce fut mon seul contact avec la mort, et j’espère qu’il le restera pendant encore quelques dizaines d’années. Après cette expérience, je peux vous le dire avec plus de certitude que lorsque la mort n’était pour moi qu’un concept purement intellectuel : personne ne désire mourir. Même ceux qui veulent aller au ciel n’ont pas envie de mourir pour y parvenir. Pourtant, la mort est un destin que nous partageons tous. Personne n’y a jamais échappé. Et c’est bien ainsi, car la mort est probablement ce que la vie a inventé de mieux. C’est le facteur de changement de la vie. Elle nous débarrasse de l’ancien pour faire place au neuf. En ce moment, vous représentez ce qui est neuf, mais un jour vous deviendrez progressivement l’ancien, et vous laisserez la place aux autres. Désolé d’être aussi dramatique, mais c’est la vérité.Votre temps est limité, ne le gâchez pas en menant une existence qui n’est pas la vôtre. Ne soyez pas prisonnier des dogmes qui obligent à vivre en obéissant à la pensée d’autrui. Ne laissez pas le brouhaha extérieur étouffer votre voix intérieure. Ayez le courage de suivre votre cœur et votre intuition. L’un et l’autre savent ce que vous voulez réellement devenir. Le reste est secondaire.Dans ma jeunesse, il existait une extraordinaire publication The Whole Earth Catalog , l’une des bibles de ma génération. Elle avait été fondée par un certain Stewart Brand, non loin d’ici, à Menlo Park, et il l’avait marquée de sa veine poétique. C’était à la fin des années 1960, avant les ordinateurs et l’édition électronique, et elle était réalisée entièrement avec des machines à écrire, des paires de ciseaux et des appareils Polaroid. C’était une sorte de Google en livre de poche, trente-cinq ans avant la création de Google. Un ouvrage idéaliste, débordant de recettes formidables et d’idées épatantes.Stewart et son équipe ont publié plusieurs fascicules de The Whole Earth Catalog . Quand ils eurent épuisé la formule, ils sortirent un dernier numéro. C’était au milieu des années 1970, et j’avais votre âge. La quatrième de couverture montrait la photo d’une route de campagne prise au petit matin, le genre de route sur laquelle vous pourriez faire de l’auto-stop si vous avez l’esprit d’aventure. Dessous, on lisait : « Soyez insatiables. Soyez fous. »

C’était leur message d’adieu. Soyez insatiables. Soyez fous. C’est le vœu que j’ai toujours formé pour moi. Et aujourd’hui, au moment où vous recevez votre diplôme qui marque le début d’une nouvelle vie, c’est ce que je vous souhaite.Soyez insatiables. Soyez fous.Merci à tous.»

Steve Jobs Stanford Announcement

mardi 2 février 2010

La théorie du 100 ème singe !

Une histoire à propos du changement social
D'après le livre "Le Centième Singe" par Ken Keyes, Jr.


Une espèce de singe japonais, le macaque japonais, a été observée à l'état sauvage sur une période de 30 ans. En 1952, sur l'ile de Koshima, des scientifiques nourrissaient les singes avec des patates douces crues en les jetant sur le sable. Les singes aimaient le goût des patates douces, mais trouvaient leur saleté déplaisante.

Une femelle âgée de 18 mois appelée Imo pensa quelle pouvait solutionner le problème en lavant les patates dans un ruisseau tout près. Elle enseigna ce truc à sa mère. Leurs compagnes de jeu apprirent aussi cette nouvelle façon de faire et l'enseignèrent aussi à leur mère.Cette innovation culturelle fut graduellement adoptée par différents singes devant les yeux des scientifiques. Entre 1952 et 1958 tous les jeunes singes apprirent à laver les patates douces remplies de sable pour les rendre plus agréables au goût. Seuls les singes adultes qui imitèrent leurs enfants apprirent cette amélioration sociale. Les autres singes adultes conservèrent leur habitude de manger des patates douces sans les laver.Alors quelque chose d'étonnant se produisit. À l'automne de 1958, un certain nombre de singes de Koshima lavaient leurs patates douces - leur nombre exact demeure inconnu. Supposons que lorsque le soleil se leva un matin, il y avait 99 singes sur l'île de Koshima qui avaient appris à laver leurs patates douces. Supposons encore qu'un peu plus tard ce-matin là, un centième singe apprit à laver les patates.Alors la chose arriva !


Ce soir-là presque tous les singes de la tribu se mirent à laver les patates douces avant de les manger. L'énergie additionnelle de ce centième singe avait créé une sorte de percée scientifique !


Mais notez ceci : la chose la plus surprenante observée par ces scientifiques fut le fait que l'habitude de laver les patates douces fit alors un saut au-dessus de la mer... pour rejoindre des colonies de singes habitant d'autres îles ainsi que la troupe de singes de Takasaki yama sur le continent qui commencèrent aussi à laver leurs patates douces. C'est ainsi que le macaque japonais a été surnommé le " laveur de patates ".
Cela signifie que lorsqu¹un nombre critique d'individus réalise une prise de conscience, cette même prise de conscience se communique d'un esprit à un autre.


Bien que le nombre exact puisse varier, ce " Phénomène du Centième Singe " signifie qu'il suffit qu'un nombre limité de gens intègre une nouvelle façon de faire pour que celle-ci devienne partie intégrante de la conscience de tous ces gens.A un moment donné, si une seule personne de plus réalise cette prise de conscience et adopte un nouveau comportement, son champ d'action s'étend de telle sorte que cette prise de conscience se communique et est adoptée par presque tout le monde !

Ce texte a été tiré du livre "Le Centième Singe" par Ken Keyes, Jr.

Une métaphore utile pour expliquer les résaux sociaux : facebook, Linkedin, Plaxo...etc

Ceci est une métaphore et pas une réalité scientifique.
Pour savoir ce que dit wikipédia de cette histoire de singe

mercredi 29 avril 2009

Jill Bolte Taylor

Jill Bolte Taylor est chercheuse en neurosciences. Victime d’une attaque cérébrale, elle va vivre « en direct » ce processus dans son cerveau. Elle mettra huit ans, mais récupèrera l’ensemble de ses facultés … et bien plus.Elle a vécu de l’intérieur le déploiement de son cerveau droit, le cerveau gauche n’étant plus aux commandes Son expérience est devenu un livre, « Voyage au-delà de mon cerveau » Ed Lattès. Et aussi une conférence où elle relate son expérience avec autant d’émotion que d’humour. Retrouvez-la en vidéo (sous-titrée en français ci joint)

mercredi 11 février 2009

Eclairer notre part d'ombre peut changer le monde

La lecture de l'article paru dans Nouvelles Clés n°60 "Rencontre avec Annick de Souzenelle" m'a profondément touché. Tout d'abord par la douceur émanant des propos de cette grande dame et par la profondeur de son approche plaçant toujours l'homme dans une perspective universelle et sacrée.

Interrogée sur ce qui ce joue actuellement dans le monde, Annick de Souzenelle partage sa vision de l'humain détenteur en son centre du sacré.

" Notre mission d'adulte devrait être de savoir montrer aux jeunes qu'il existe une dynamique extraordinaire qui s'appelle la vie et qui nous habite. Nous portons en nous un potentiel fou, tout un monde d'énergie, qui soit sera pris en compte pour faire croitre cet être essentiel, cet enfant divin au-dedans de nous, soit va se retourner en violence - contre le monde extérieur ou contre notre propre personne, sous forme de maladie, de dépressions, de tragédies personnelles. On constate hélas, de nos jours, il n'y a quasiment plus de structure pour juguler ces énergies non accomplies de l'être : elles déferlent dans tous les sens et détruisent tout."

Je partage cette certitude et c'est elle qui me guide lors de mes interventions en coaching : nous avons tous en nous un potentiel immense et insoupçonné. Accompagner mes clients sur leurs chemins, c'est les aider à se reconnecter avec ces énergies primordiales qui les habitent et les inciter à déployer leur puissance créatrice. Débloquer, remettre en mouvement ou encore faire circuler ces énergies, ouvrir le champs, laisser s'épanouir.

Et Annick de Souzenelle d'enchainer sur l'importance de cette démarche que certains qualifie de "développement personnel" ... "Si l'on ne se convertit pas soi-même, si l'on ne se retourne pas au-dedans de soi pour faire un chemin personnel, on ne fera pas grand chose à l'extérieur. C'est seulement dans la mesure où je me construis que je construis le monde. Le monde est en moi. Chaque être humain est unique. Et en même temps il est toute l'humanité."

Travailler sur soi est difficile : difficile en soi car cela nous amène à aller rencontrer notre part d'ombre et l'intégrer mais aussi et surtout car la société se charge à merveille de déprécier ce travail, le présentant comme l'apanage de "ceux qui ne vont vraiment pas bien, vous savez les dépressifs, les fous, ces gens pas bien dans leur peau..." alors que peut-être justement ce sont ceux-là même dont la quête est la plus intense. Ne pas s'inscrire dans cette démarche est donc considéré comme normal dans notre société alors que s'y inscrire traduit un dérangement, un dérèglement .... Intéressant n'est-il pas ?

Annick de Souzenelle propose ensuite une lecture époustouflante des termes Bien et Mal .... "Dans l'expression biblique : 'l"arbre de la connaissance du bien et du mal", il n'est en réalité pas du tout question du bien et du mal au sens ou nous l'entendons habituellement. Cet arbre est en fait "l'arbre de la connaissance de ce qui est accompli et de ce qui n'est pas accompli". L'accomplissement, c'est la présence de cet enfant divin en nous; l'inaccomplissement, c'est le fait qu'il ne soit encore qu'à l'état de germe. Ce potentiel à réaliser, cet "autre coté" encore latent, si nous nous prenons en main pour le construire nous-mêmes, nous découvrirons que c'est la meilleure façon de construire le monde, et en fait la seule. [...] Tout cet inaccompli qui est à l'intérieur de moi, tout ce potentiel qui attend que je l'épanouisse, c'est aussi mon prochain. C'est aussi le monde qui est autour de moi. Si je me construis, je construis le monde."

Il est donc bien question de quête personnelle qui transcende l'individu et qui rejailli sur l'Autre, sur les Autres...

"Les Humains ne se rendent pas compte à quel point les évènements extérieurs peuvent être transformés quand on opère la transformation intérieure. Ce qui se joue au dedans de nous se joue au-dehors. Intérieur et extérieur sont les deux pôles d'une même réalité".

mardi 2 septembre 2008

Alerte aux risques sectaires dans les entreprises

Cet article paru sur le site Novethic.fr a retenu toute mon attention et illustre bien la situation actuelle sur le marché du coaching .... où la vigilance est de mise tant pour les entrerprises que pour les coachs !

"Après avoir mis à l’index des pratiques de formation professionnelle, le récent rapport annuel de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), épingle certaines techniques de coaching. Conscients du risque sectaire, les grands groupes trient sur le volet leurs sous-traitants.
Henri-Pierre Debord, conseiller économique et financier à la Miviludes ne cache pas son inquiétude : « nous recevons de plus en plus de demandes d’interventions des entreprises sur le risque sectaire », assure-t-il. L'explosion du nombre de formations en développement personnel et des approches thérapeutiques, l’essor du droit individuel à la formation (DIF), le stress des salariés, fragilisés par les problématiques du changement…


Tous les ingrédients semblent réunis pour inciter formateurs « bidon » et autres gourous du coaching à frapper à la porte des entreprises. « Dans les grands groupes, on est aujourd’hui sensibilisé au risque sectaire qui apparaît de façon épisodique », assure Hervé Pierre, vice-président du Club des directeurs de sécurité des entreprises (CDSE). Pour les employeurs, les risques sectaires ne doivent pas, en effet, être banalisés : distorsion des processus de décision, abus de biens sociaux, non respect du droit des affaires, manipulation des salariés et atteinte à leurs droits … « L’entreprise peut ainsi voir sa responsabilité morale engagée en toute ignorance », met en garde Henri-Pierre Debord à la Miviludes.

Coachs accrédités

Pour préserver leur image, les coachs s’organisent. « Leur accréditation représente un critère de professionnalisme, même si ce n’est pas une garantie absolue contre le risque sectaire », assure Jean-Yves Arrivé, administrateur de la SFCoach. Mais il reste difficile de contrôler la profession : en France, 1800 nouveaux coachs sont formés chaque année. Mais sur les 3000 prestataires en activité, seuls 300 sont accrédités par deux organismes phare : la SFCoach et l’ICF.

Autres initiative plus récente : celle de l’European mentoring & coaching council (EMCC) à l’origine du label EQA (European quality award ), validant la qualité des cursus de formation au coaching. Des mesures que la Miviludes juge louables mais qui relèvent, selon elle, de l’auto-évaluation.

Pour aider les entreprises à détecter les dérives sectaires chez leurs prestataires, la Miviludes a été jusqu'à publier le guide « L’entreprise face au risque sectaire » : un outil méthodologique pour accompagner les employeurs, de la définition des fonctions et processus sensibles au repérage des pratiques douteuses (déstabilisation mentale des participants, exigences financières exorbitantes etc.).

Un réflexe de vigilance que beaucoup de grands groupes ont cependant déjà adopté. Ainsi, EDF, ébranlée il y a quelques années par l’affaire « Avatar » - une formation aux relents sectaires, infiltrée dans une centrale du groupe – a, depuis, durci son dispositif de sélection de ses sous-traitants. Aujourd’hui, à l’égard des prestations de coaching, c’est la vigilance maximale. « Nous avons construit un système de référencement sophistiqué, avec une série de critères : la formation du coach, son expérience, ses références, sa supervision, son appartenance à une association professionnelle etc », explique Christian Bomble, chef de projet RH à EDF. Par ailleurs, les coachs adeptes d’une seule technique sont écartés, de même que le coaching psychologisant ou ceux qui s’éterniseraient au-delà d’une quinzaine de séances, afin d’éviter les risques de dépendance. A IBM, les formateurs sont triés sur le volet avec la même obsession. Pour le coaching, peu de risque : le groupe informatique l’a confié à une équipe interne. Une intrusion sectaire dans les murs de la maison, dans les années 90, aurait-il servi d’enseignement ? « Nos sous-traitants sont choisis en fonction de leurs références, de leur agrément Formation et Qualification Qualité . Ils sont évalués à chaque session par des participants par une note et des commentaires écrits", explique aujourd'hui Paul Forrest-Dodelin, manager de la formation IBM. A la SNCF, qui s’apprête à lancer un programme de coaching sur trois ans, pour plus de 200 agents, la vigilance est tout aussi présente. Sur une centaine de candidats, seuls vingt coachs viennent d’être retenus, au terme d’une sélection drastique. « Ils seront aussi évalués par les coachés à la fin de chaque séance et au terme de leur intervention, elle-même encadrée par un contrat tripartite », insiste Evelyne Podeur, consultante au pôle recherche et développement de l’université des services de la SNCF.

Visiblement, chez les acheteurs de formations et de coaching, la crédulité à l’égard des sous-traitants n’est plus d’actualité. Mais dans les PME, pas si sûr... Reste une autre façon de prévenir les dérives sectaires, peu développée, que le coach Nicolas de Beer, fondateur de Mediat-coaching, (labellisé EQA) conseille aux responsables de formation et aux RH : tester eux-mêmes les stages, avant d’y envoyer leurs salariés...

Marie-José GavaMis en ligne le 01/07/2008

vendredi 8 août 2008

Hic et Nunc - Ici et maintenant

« Souvent entendu… », « Oui oui … et alors » me direz-vous …. Cependant derrière la banalité confondante de cette phrase, que se cache-t-il ? Son sens profond résonne-t-il en vous ? Formulé différemment vous êtes-vous déjà posé la question de savoir dans quel espace temps vous vivez le plus souvent ? Présent ? Passé ? Futur ?

« Le présent évidement ! » serez-vous tenté de répondre … et bien rien n’est moins sur… Faites en vous-même l'expérience. Postez-vous en observateur de vous-même et de vos propres pensées pendant les prochaines heures … Regardez-vous de l'intérieur et observez le type de pensée qui vous habite … Vous serez rapidement édifié …... Vous allez vite réaliser que vous vivez plus souvent que vous ne le pensiez dans 2 dimensions temporelles : le passé et le futur !

Du passé surgissent constamment des méandres de notre mémoire tout un tas de souvenirs (d'ailleurs souvent tronqués) qui nous font nous remémorer des vécus et des émotions qui vont, par leur réminiscence, avoir des répercussions sur notre état présent. Et du futur nous parviennent des images, des rêves (pures constructions de notre mental) qui nous font nous imaginer des scénarios multiples, changeants, aux potentialités infinies d’accomplissement ou de destruction.

Coincés dans ces deux dimensions, nous ressassons avec créativité nos films mentaux. Tombés dans l’emprise du temps psychologique, nous nous cherchons dans le passé et dans le futur.

Or de ces 2 espaces temporels, aucun n'existe… Le passé n'existe plus. Et quand bien même nous parviendrions à le ressusciter, il ne redeviendrait réel qu’en devenant le présent et donc en disparaissant en tant que passé. Le passé n’est qu’une ombre projetée du présent et rien de plus ! Un ailleurs inexistant. Il est de l’ordre de l’avoir, pas de l’être. Quant au futur … et bien il n'existe pas encore. Il n’est que promesses, illusions, mirages composés par notre mental.

Mais nous nous accrochons à ces deux dimensions, persuadés de leur réalité, luttant et sabotant systématiquement le présent. Du déni et du refus de l’ici et maintenant résulte des tensions. Et ce sont bien de ces tensions que naissent tous les débordements émotionnels qui viennent souvent nous submerger, tant professionnellement que personnellement : stress, peur, angoisses, inquiétudes, tristesse. Ce sont bien les intensités des émotions ressenties entre la perception de nos propres ressources pour atteindre notre objectif (pont vers le passé) et la perception de l’objectif même à atteindre (pont vers le futur) qui nous incitera soit à éviter la situation soit à nous y confronter peut être avec succès … peut être pas.

C’est pourquoi l’ici et le maintenant est pour moi le point central de ma pratique du coaching. Par une intervention miroir, mon rôle est d’aider mes clients à observer et prendre conscience de leurs propres pensées, de les faire se confronter aux situations et aux émotions, de les accompagner dans l’identification de leurs propres schémas de pensées, principes ou encore systèmes de croyances. En les aidant à percer à jour leurs contradictions, en les aidant à questionner l’évidence, c’est faire le pari toujours gagné qu’ils les dépassent et les actualisent et que de nouveaux comportements durables verront le jour.


Seul l'instant présent existe. Seul l'ici et le maintenant possède une véritable, tangible et éphémère réalité. La seule manière d’épouser le mouvement du temps s’est de faire son deuil du passé, de lâcher prise sur l’avenir. De mourir à chaque instant au passé afin de renaitre au présent, dans un cycle d’auto transformation perpétuel. Et de réaliser que quand nous cessons d’être complètement décalés par rapport à la situation présente et perdus dans nos pensées, nous sommes en relation d’unité avec ce qui est, la tout de suite maintenant ici.